LA DICTEE
Mon garçon est en CE1 et aime beaucoup aller à l´ecole. Sa matière préférée c´est...la recrée !
Anaël ne semble pas du tout angoissé par l´idee d´avoir des notes des fois un peu limites : "C´est déjà bien Maman ! et puis, il n´y a pas mort d´homme !"
Bref, il va à l´école sereinement tous les matins, avec le Pédibus du quartier. Plutôt tête en l´air et rêveur, il s´interroge tous les matins sur la nervosité qu´il génère dans la maisonnée : notre Lustucru met des plombes à s´habiller ; il ne trouve plus ses chaussures ; il oublie sa veste de pluie à la cantine et il pleut comme vache qui pisse ce matin ; hier soir il a oublié de faire signer son cahier à son papa, et zappe que sa maman n´a pas encore trouvé la méthode pour signer avec les pieds...Imperturbable, il finit par nous demander pourquoi on est tellement énervé !
Quand des fois, j´arrête de le secouer avec Tout Ce à quoi il n´a pas pensé, il récupère une punition qu´il fait simplement, sans rechigner ! Pas de problème pour Anaël ; le monde tourne et lui, tranquillement, il y séjourne !!
Le soir, c´est le temps des devoirs : comme beaucoup d´enfants, il n´y va pas en chantant. Mais, le plus dur, c´est les dictées et l´écriture.
Pour les dictées, tout allait bien pour moi, quand la SLA n´avait pas encore fait de dégâts sur mon articulation et sur ma voix. Maintenant, c´est juste horripilant !
Quand il s´agit de petites phrases courtes, Mon Grand comprend ma dictée, car il comprend le sens du phrasé. Par contre, quand il doit apprendre à écrire une liste de mots sans liens entre eux, ça finit par déclencher chez moi une crise d´eczema jusque sur les yeux : à la fin de la séance, j´ai envie de m´arracher le visage, puis d'envoyer mon fils faire un très grand voyage, avec comme propulseur mon pied sur son postérieur !
Je dicte : manger. Il écrit : mancher
Je dicte : poutrelle. Il écrit : pour elle
Je dicte : limite. Il écrit : nimite
Bon ç´est vrai qu´il écrit comme je prononce... alors il me fait répéter, j´articule comme je peux, il écrit un peu comme il veut, puis me reproche de trop décomposer le mot, et du coup "aujourd´hui" devient "au jour dit".
Je lui dit hors de moi : "Cha va chauffer !"
Là, ou bien il se prend un fou-rires du haut de ses huit ans et me répond : "Ché chur Maman !"..., et alors, je le suis en me bidonnant ;
Soit, il se met à pleurer et me dit : "Maman, je n'y comprend rien !", et là, je lui fait un gros câlin, en me disant qu´il faudrait inventer une machine à s´auto-botter les fessiers, question d´en être la première abonnée !!!!
Mais ça y est, je crois que j´ai trouve la solution : mon garçon va utiliser mon logiciel de synthèse vocale pour enregistrer sa dictée, après l´avoir tapé sur le clavier. Puis, il choisira la voix qui lui dictera les mots à écrire. Moi, je me contenterai de faire parler la dame, pour éviter de nouveaux mélodrames !
Quant à l´écriture, vous imaginez que ce n´est pas une sinécure !
Avant ma SLA, j´adorais les majuscules comme les minuscules ; les jolies virgules qui s´accumulent ; les petits accents qui penchés en avant donnent des "è" et non des "é" ; ceux qui, par réflexe, font le grand écart pour former le circonflexe ; j´aimais créer des espaces entre les mots pour donner des phrases qui délassent ...
Anaël ne voit rien de tout cela, et il faut déchiffrer une écriture qui le torture : "Ça ne sert à rien Maman d´écrire joliment : le but c´est qu´on me comprend !"
Alors pour éviter à l´eczema d´attaquer plus bas, j´abandonne l´écriture et les ratures.
Anaël attaque le vocabulaire et en fier : "C´est trop bien Maman de savoir ce que veulent dire les mots !...Mais pour la prochaine dictée, est-ce-que tu peux un peu t´entrainer ?"